Intervention d’Andreas Fröhlich, le 30 janvier 2016, Paris
« Pourquoi l’école pour les enfants polyhandicapés ?
Une question d’égalité »
Le système scolaire n’existe pas depuis très longtemps, mais l’éducation, elle, existe depuis qu’il y a des Hommes.
En 1592 (le duché Palatinat Deuxpouts), l’école a été fondée pour les filles et les garçons. C’est la 1ère régulation légale au monde, avec un système de mixité. Pour l’Allemagne, il y a des lois pour la scolarisation dès 1800, y compris pour les enfants aveugles, sourds ou ayant plus ou moins de difficultés. Mais cela ne concerne par les enfants handicapés. Il n’y avait pas de loi qui « oblige » à la scolarisation. L’idée est que les citoyens membres d’un peuple puissent avoir la possibilité d’apprendre, sans dépendre des privilèges ou des moyens financiers.
Dans nos pays européens, cela représente un élément constitutif et organisé par l’Etat (et non sur un pouvoir décisionnel de parents ou autre curateur).
« Structure de jour, semaine, année… structure de la vie ».
Le rythme de la vie est définit par cette structure : la structure temporelle d’un état tout au long de l’année ; l’heure pour se lever ; l’horaire du trafic ; les vacances horlogères ; les hôpitaux, etc.).
D’un point de vue sociologue, l’école donne et transmet la structure (pour les parents, les enfants, mais aussi les « non-parents »).
Andreas cite Urie Bronfenbrenner [1]
Sur le modèle des cercles concentriques, l’enfant est au centre ; autour la classe ; l’école (directrice, règle, loi…et non la communication personnelle) ; le système scolaire (région ou ville) ; le système éducatif (règles, lois,…). Un enfant ne connaît pas le système dans lequel il évolue ; et ce dernier fait partie d’un plus grand système encore.
Alors, comment reconstruire ce système ? Au fil de cette réflexion, nous arrivons aux notions (strictes) suivantes :
[1] Né le 29 avril 1917 à Moscou1 – 25 septembre 2005 ; est un psychologue et un chercheur américain d’origine russe, connu pour sa théorie du modèle écologique de développement humain
L’école est un système où les droits des parents sont très limités. L’institution « Ecole » est totale[1] : tout le monde au même endroit, occupé à la même chose, selon l’âge, le sexe, la religion, le secteur. A nouveau les notions de jours et de semaines. Tout le monde commence et finit ensemble. Et les enfants, dans ce système, sont acceptés, ou pas, en fonction de pré-conditions
Mais les parents sont-ils conscients des éléments positifs et moins positifs de la force de ce système ?
[1] Andreas cite Erving Goffman , un sociologue américain, et ses références à la notion d’institution totale, en y incluant les prisons, les hôpitaux, etc. https://fr.wikipedia.org/wiki/Institution_totale
A.F. désire réfléchir sur le « pourquoi avoir des écoles ». L’idée fondamentale est que la prochaine génération doit être capable de perpétuer les valeurs, les responsabilités et acquis de notre société. En les préparant à cela, c’est une forme de garantie et de sécurité que le système social va perpétuer. Il y a très peu de révolution au sein de ce système. Alors pourquoi une école pour des enfants handicapés, alors que ces derniers rompent cette continuité de « culture » sociale ?
Ces enfants handicapés ne représentent pas une future génération qui va travailler ou engendrer d’autres enfants. Ils sont comme une ruelle sans issue pour la société. L’idée de donner ou non des moyens (argent, personnel) pour des groupes d’enfants qui ne seront pas rentables reste actuelle. Peut-être est-ce de notre responsabilité de soutenir cet « acquis » ? Y’a-t-il d’autres raisons pour continuer d’investir ?
En Allemagne, l’école est obligatoire [1]! Ce n’est pas un choix et cette structure a le monopole des « offres ». Si l’Etat donne une possibilité, il faut l’accepter. Ce n’est pas un réel choix.[2]
Traitement égal ! Dès 1970, tous les enfants sans exception peuvent bénéficier de ce traitement. Cette idée d’égalité a été très bien accueillie à cette époque.
En Allemagne, un profond changement s’opère depuis 5-6 ans. Il y a de grandes discussions autour de l’Article 24 de la Convention ONU[3]. Cet article est le seul qui s’occupe de l’éducation. Le système scolaire a totalement changé. Actuellement, chaque enfant a le droit d’aller à l’école normale. « ….En vue d’assurer l’exercice de ce droit sans discrimination et sur la base de l’égalité des chances, les Etats Parties font en sorte que le système éducatif pourvoie à l’insertion scolaire à tous les niveaux, et offre tout au long de la vie, des possibilités d’éducation….. ».[4]
[1] Intervention policière s’il le faut. Rare mais cela existe.
[2] Justice ou égalité (gereschischkeit)
[3] Convention relative des Nations Unies aux droits des personnes handicapées/ Bundesministerium für Arbeit und Soziales, Art. 24
[4] Bundesministerium für Arbeit und Soziales, Art. 24, p. 36
En France, par exemple, les enfants en situation de handicap sont bien accompagnés en institution, mais pour A.F., pourquoi ne sont-ils pas inclus dans le système scolaire ? (ex : des structures pour les enfants malentendants… mais pas pour les « polyhandicapés » ). Cette Convention nous donne des idées et montre également des faiblesses.
« L’éducation est une part de notre « éducation »[1].
[1] « Bildung » en allemand pourrait contenir : tous les savoirs, savoir-être, culture…« Erzieherung » serait le comportement.
L’éducation est la participation à l’héritage culturel. A.F. utilise donc le mot « participation » qui permet d’expliquer « prendre part », être partie prenante, être avec les autres.
En allant plus loin, qu’est-ce que l’héritage culturel ? Laver ses mains avant de manger : c’est culturel – les singes ne le font pas. C’est une acquisition de l’être humain. Se laver les mains, se nourrir ou écouter de la musique, l’être ensemble… Cela demande d’adapter « un niveau basal » pour que ces enfants profitent de cet héritage.
L’école, comme système/institution est responsable de transmettre.
L’idée actuelle en Allemagne est d’accepter tous les enfants. Il appartient donc à la structure (école) de s’adapter.
L’école offre des techniques diverses pour participer, prendre part. Il n’y a pas qu’un seul concept ni une seule méthode afin que tous les enfants puissent participer. Il n’est pas non plus question d’une seule méthode pour une seule école donnée.
Même si la base est la même pour tout le monde, certains sont plus loin, d’autres vont plus vite, mais ce qui importe est l’activité cognitive et non le niveau cognitif.
« L’école : un lieu pour penser »
« Je pense donc je suis »
L’idée pour A.F. est que la base de cet héritage culturel n’est pas une chose particulière.
1+1=2 pour les enfants handicapés, cela peut se décliner par avoir quelque chose à sentir / avoir quelque chose dans sa main. Par exemple « J’ai une chose que je peux toucher/voir/sentir. Et qui n’est pas mon nez ».
Pour approcher les mathématiques, si on veut « jouer à l’école ». Cela demande déjà un processus, un pas cognitif . Cela peut être : comprendre que j’en ai 1 dans chaque main ; les changer de position ; un cacher un et pas l’autre ; jouer avec ces éléments.
Un des arguments d’A.F. dirigé vers les ministères de l’éducation est que cette compréhension de relation entre les objets est une compétence que les enfants polyhandicapés peuvent faire.
Ces enfants peuvent donc avoir le droit de participer au système scolaire car ils peuvent intégrer cet héritage culturel (scolaire).
La vitesse de développement n’importe pas. Oui, certain vont plus vite, loin ou haut. Mais cela ne nous donne pas le droit d’exclure les gens de la base, s’ils ne répondent pas à ces critères.
Cela devrait être le sujet propre à l’école : Offrir et organiser cette base commune qui est L’ACTIVITE COGNITIVE
Le niveau cognitif n’importe pas. C’est l’activité cognitive qui importe.
L’école est un lieu de pensée, et qui me donne également une confirmation de mon existence.